CABINET STRIDE AVOCAT, Victoria HOLKA, mis à jour le 06 août 2021
Le 21 juillet 2021 marque l’élargissement du passeport vaccinal qui suscite de nombreuses interrogations et notamment quant à l’attitude à adopter face à ses salariés, dans le respect de l’obligation de santé et sécurité qui incombe à l’employeur.
Les mesures annoncées par le Gouvernement le 12 juillet 2021, et promulguées le 5 août 2021 soulèvent deux interrogations, à savoir :
- L’étendue et le régime de l’obligation vaccinale des professions en contact avec les plus fragiles ;
- Les conséquences de l’élargissement du passe sanitaire à une certaine partie des établissements recevant du public.
LA VACCINATION DES PROFESSIONNELS EN CONTACT AVEC LES PLUS FRAGILES :
Le Président de la République annonçait le 12 juillet dernier, l’obligation pour les professionnels, au contact des personnes fragiles, d’être vaccinés pour pouvoir continuer d’exercer leur activité, à compter du 15 septembre 2021.
Toutefois se pose la question de l’étendue d’une telle obligation : quelles professions sont concernées, le cas échéant quelles sont les conséquences pour un salarié qui refuserait de se faire vacciner, quels sont les risques portés par l’employeur.
Ainsi, la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, promulguée après avis du Conseil constitutionnel, fait état, au sein de son article 12, de la liste des professions soumises à l’obligation vaccinale, et notamment[1] :
- Le personnel soignant ;
- Les centres et maisons de santé ;
- Les services de prévention et de santé au travail et les services de santé au travail interentreprise ;
- Les établissements et services médico-sociaux ;
- Les résidence‑services dédiés à l’accueil des personnes âgées ou handicapées ;
- Les ostéopathes ou chiropraticiens ;
- Les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire ;
- Les professionnels employés par un particulier employeur âgé ou handicapé, à des fins personnelles.
La liste exhaustive adoptée soulève, à ce titre, la question du régime d’application. C’est en ce sens que l’article 14 dresse la liste des conséquences pour une personne qui refuserait de se faire vacciner alors même que sa profession l’y oblige, et des risques portés par l’employeur.
Ainsi, l’article 14 précise que, à compter du 7 août 2021 et jusqu’au 14 septembre 2021, les personnes visées par la présente loi ne peuvent plus exercer leur activité si elles ne présentent pas un des documents composant le passe sanitaire (certification de rémission, certificat vaccinal ou test négatif de moins de 48 heures).
La lettre de la loi précise ensuite que la non-présentation du passeport vaccinale impliquera une interdiction d’exercer à compter du 15 septembre 2021.
Une exception étant prévue pour les personnes justifiant de l’administration d’au moins une dose, en cas de schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, et ce jusqu’au 15 octobre 2021. Ledit justificatif devant s’accompagner d’un dépistage négatif à la Covid-19.
Dès lors, lorsque l’employeur constate l’interdiction d’exercer de l’un de ses salariés, il devra notifier à ce dernier, sans délai, les conséquences qu’emporte l’interdiction d’exercer sur son emploi, et les possibilités de régularisation.
L’article 14 ouvre droit au salarié de faire usage de ses jours de repos conventionnels et congés payés, avec l’accord de l’employeur afin de régulariser sa situation. À défaut, le contrat de travail sera suspendu.
La suspension s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération. Cette période ne pouvant être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de l’ancienneté ou des congés payés. Toutefois, le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.
L’employeur constatant qu’un professionnel de santé ne peut plus exercer son activité depuis plus de trente jours, informe, le cas échéant, le Conseil national de l’ordre dont il relève.
Bien plus, dans les entreprises de plus de 50 salariés, l’employeur informe, par tout moyen et sans délai, le CSE des mesures de contrôles mises en place aux fins de respect des dispositions précitées. L’avis du CSE devant intervenir, au plus tard un mois, à compter de la communication faite par l’employeur.[2]
Cependant, le motif de licenciement propre, envisagé par le Gouvernement dans son projet de loi, n’a pas été repris par le Sénat.
Tout manquement de l’employeur à son obligation de contrôle l’expose à un risque de condamnation pénale, pouvant aller jusqu’à 1.500 euros d’amende, portée à 9.000 euros et à un an d’emprisonnement en cas de récidive (trois en trente jours).[3]
Cependant, une précision reste à faire quant à la prise de rendez-vous aux fins de vaccination. L’article 17 de la loi, ainsi promulguée, précise que les salariés bénéficient d’une autorisation d’absence pour se rendre au rendez-vous vaccinal. Une autorisation d’absence pouvant également être accordée aux salariés accompagnant leur enfant mineur aux rendez-vous liés à la vaccination.
Ces absences ne pouvant nullement être imputées sur la rémunération puisqu’étant assimilées à une période de travail effectif pour le calcul de la durée des congés payés et l’ancienneté.
ÉLARGISSEMENT DU PASSE SANITAIRE AUX ÉTABLISSEMENTS RECEVANT DU PUBLIC
L’article 1er de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 est formel, l’élargissement du passe sanitaire aux ERP (Établissements Recevant du Public) s’applique, non seulement au public reçu, mais également aux salariés exploitant les sites.
Toutefois, après contrôle du Conseil constitutionnel, la lettre de la loi ajoute que le régime du passe sanitaire, applicable aux salariés des ERP, ne sera applicable que lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, notamment au regard de la densité de la population observée ou prévue.[4]
Dès lors, l’ensemble des dispositions relatives à l’obligation vaccinale précitée (suspension du contrat de travail, usage des jours de congés, interruption du versement de la rémunération) seront applicables aux salariés d’un ERP, à compter du 30 août 2021, ne présentant pas un examen de dépistage négatif, un justificatif de statut vaccinal ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination à la covid-19.
Le projet de loi impose à l’employeur de notifier le jour même de la constatation de l’irrégularité, et par tout moyen, la suspension du contrat de travail à son salarié.
Si l’irrégularité se maintien pendant une durée supérieure à trois jours travaillés, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’envisager les moyens de régulariser sa situation ou, le cas échant, les possibilités d’affectation temporaire sur un autre poste non soumis au passe sanitaire.
Toutefois, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 5 août 2021, censuré les dispositions du projet de loi relatives à la rupture anticipée du contrat de travail à durée indéterminée. Cette disposition méconnaissant le principe constitutionnel d’égalité devant la loi.
Le projet de loi dresse une liste exhaustive des établissements visés, et notamment :
- Les activités de loisirs ;
- Les activités de restauration commerciale ou débit de boisson à l’exception de la restauration collective, vente à emporter, et restauration professionnelle routière et ferroviaire ;
- Les foires, séminaires et salons professionnels ;
- Sauf cas d’urgence, les services et établissements sociaux pour les personnes accompagnantes ;
- Les déplacements longue distance par transports publics interrégionaux, sauf en cas d’urgence ;
- Les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d’un seuil défini par décret, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient.
Tout manquement de l’employeur a son obligation de contrôle l’exposant à une fermeture administrative après mise en demeure de se conformer aux obligations ainsi qu’une amende pénale de 1.500 euros, portée à 9.000 euros d’amende et un an d’emprisonnement en cas de récidive (trois en trente jours).
Les dispositions relatives à la consultation du CSE et à l’autorisation d’absence accordée aux salariés pour la vaccination s’appliquant également pour les ERP.
Ainsi, la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ayant été publiée au journal officiel le 6 août 202, son application est désormais certaine.
Une réserve reste à faire, le Conseil d’Etat ayant menacé le Gouvernement de revenir sur sa décision en cas de passage au test payant…
[1][1] Loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043909676
[2] Article 15 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043909676
[3] Article L.131-13 du Code Pénal – LEGIFRANCE
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417259
[4] Décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021824DC.htm